Joffrey Persia
Certains d’entre vous le connaisse à travers son activité de formation sur tuto.com.
Joffrey Persia est en effet un contributeur des premières heures. Passionné et autodidacte il a très tôt proposé des (très grosses) formations sur notre plateforme.
A la suite de ses études d’ingénieur, il a finalement changer de voie, de vie, et s’est lancé dans le monde de la photographie 📷

Nous avons réussi, au hasard de nos calendriers respectifs, à prendre un café, pendant une heure, à la terrasse d’une brasserie parisienne. L’occasion de faire le point et de vous proposer cette interview.

 

Son parcours a récemment été retracé lors d’une conférence TEDx que je vous invite à visionner :

L’interview de Joffrey Persia

Salut Joffrey. Première question : comment vas-tu aujourd’hui et quel regard portes-tu sur ton parcours des 5 dernières années ?

Bonjour ! Ça va très bien, merci ! Je suis content qu’on ai pu se croiser sur Paris. Plein de projets en ce début d’année, je suis loin de m’ennuyer !

Ces 5 dernières années ont été chargées, même tumultueuses…

Elles couvrent la fin de mes études d’ingénieur, où je me suis spécialisé en conception mécanique. En parallèle, j’ai toujours été passionné par l’image et l’enseignement.  Durant mes études, je produisais des tutoriels vidéos sur l’infographie 3D. J’ai ensuite découvert la photographie, le voyage et j’ai pris goût à l’aventure. Après 2 ans en tant que cadre ingénieur sur Paris, à tâtonner, à pratiquer la photographie, j’ai décidé de me lancer. Vivre son rêve est quelque chose de très spécial. Le changement de vie a été radical !

 

Comme je le disais en introduction, tu as commencé à vendre des cours sur tuto.com en parallèle de tes études. Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté, avec du recul ?

Oui, un peu avant mes 18 ans, fin 2009 en sommes, je me suis mis à créer des formations sur tuto.com. L’infographie 3D et particulièrement 3Ds Max me passionnait et je voulais constamment apprendre et enseigner. Être formateur à cette époque a été une chose incroyable. J’ai, en quelques mois, développé une petite communauté qui suivait mes cours et échangeait avec moi. C’était vraiment extra. J’ai rencontré du monde, dont certains du milieu avec qui je continue de garder contact 8 ans après. C’est une vraie richesse.

Durant mes études, on me voyait un peu comme un extraterrestre. Je formais des gens sur un domaine vraiment différent de mon cursus. J’y passais une très grande partie de mon temps libre (et même en cours d’ailleurs… Hum 😇).

Avec le recul, être formateur m’a énormément apporté.

Créer plus de 250h de formation, c’est apprendre à parler clairement, à utiliser les bons mots et à faire preuve de rigueur. C’est aussi apprendre à apprendre, puis à faire apprendre. Je voulais au travers de mes formations enseigner à ma manière : par du concret et du cas pratique. Comprendre le schéma mental de mon propre apprentissage pour arriver au maximum à être efficace dans la transmission future. J’étais rarement satisfait de la manière dont j’apprenais, c’est aussi pour ça que je voulais enseigner à ma manière.

Les formations m’ont aidé à gagner confiance en moi. J’ai été publié dans un numéro de 3DMag, et sur le site du développeur Pixologic. J’ai aussi, durant cette période, eu le statut de formateur certifié sur Tuto.com. J’étais le seul dans le lot à être totalement autodidacte. C’était une vraie fierté.

Enfin, vendre des formations m’a aussi permis de gagner de l’argent. Grâce à ces revenus, j’ai pu m’acheter mon premier appareil photo et découvrir une nouvelle passion qui est devenue mon métier…

 

Tu es désormais photographe. Peux-tu nous expliquer ton approche pour préparer un nouveau voyage. Tu organises un maximum de choses en amont ou bien tu improvises totalement sur place ?

Au début c’était assez brouillon, forcément.
Je partais en vacances et je photographiais ce que je trouvais esthétique.

J’ai toujours eu une préférence pour l’humain, donc je réalisais majoritairement des portraits. Mais la cohérence dans mon travail est venue après. J’avais besoin d’être indépendant pour avoir le temps de créer un travail cohérent. C’est pour ça que j’ai décidé de quitter l’ingénierie pour être freelance. Il me fallait obtenir la liberté d’entreprendre et de mouvement. Le prix a payer a été de dire au revoir à la sécurité de l’emploi.

 

Lorsque je pars en reportage photo, j’essaie à présent de préparer le contexte et donc les photos qui vont en découler. Je travaille de plus en plus sur des portraits de vies, où je photographie une ou des personnes dans leurs activités. C’est un peu comme raconter une histoire.

 

Je laisse toujours une part d’incertitude dans mes reportages.
Travailler avec ce paramètre, c’est aussi être en phase avec ce que la vie a de plus beau à nous offrir. Je reste toujours un peu plus longtemps que prévu dans les endroits pour pouvoir profiter des imprévus.
Par exemple au Kirghizistan, pour mon dernier reportage sur un chasseur / dresseur d’aigle. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, ni où j’allais vivre. Je l’avais juste vu une fois en photo, et tout s’est organisé sur place… Quelle aventure..!

 

Lorsque tu fais des portraits, comment abordes-tu les personnes que tu croises ?

A vrai dire, je prends souvent des portraits volés, car je trouve que la magie d’une photo part très vite si la personne contrôle ses émotions et sa posture. Après avoir pris la photo, je prends souvent un temps pour échanger quelques mots et voir si cela ne dérangeait pas la personne. J’aborde les gens avec beaucoup de tendresse et de bienveillance. Si le dialogue est impossible, un très grand sourire et quelques gestes suffisent. Il est très rare qu’on me demande de supprimer une photo.

Dans ta série “Regarder, Contempler, Méditer”, la photo “the wanderer” fait évidemment penser à l’affiche du film “into the wild”. Le protagoniste Christopher McCandless change radicalement de vie pour retourner dans la nature. La nature, le calme sont des sentiments que l’on retrouve dans tes photographies. Peut-nous en dire un peu plus sur cet intérêt ?

Oui, ce film m’a beaucoup marqué. Je l’ai regardé plusieurs fois, et il fait de plus en plus écho en moi. J’ai également lu le bouquin d’Henri David Thoreau “Walden” qui a eu une influence sur Christopher McCandless. Je le conseille.

La nature et l’isolement sont une grande source d’inspiration et d’apaisement pour moi. J’ai besoin de changer de contexte pour me sentir créatif et exprimer ce que je ressens en image. Vivre reculé et avec peu me semble un idéal de vie, propice au plein épanouissement personnel. J’y retrouve intuitivement la réponse à mes questions et mes tourments. Mais comme beaucoup, je suis plein de paradoxes et actuellement je vis à Paris… Je sais néanmoins que cela est éphémère. Un retour à la nature et à la simplicité viendra forcément.

 

Peux-tu nous présenter un peu ton matériel (boîtier, objectif) ?

Pour le matériel photo, je travaille actuellement avec un Canon 5D Mark IV, et principalement le Canon 24-70mm f/2.8 et le Canon 70-200mm f/2.8. J’utilise parfois le 50mm f/1.4 mais cela est assez rare finalement. C’est du matériel plutôt lourd, mais très qualitatif.

Tu as récemment proposé un live chez Adobe (la vidéo est visible un peu plus bas).
Pour la post-production, tu m’as dit que tu utilisais Lightroom de manière assez classique. Peux-tu nous en dire plus ?

Oui, je travaille assez simplement.
Lightroom est une fantastique chambre de développement et tout est bien pensé. Quelques coups de réglettes et on peut facilement arriver à ce que l’on souhaite. Je trouve qu’il est beaucoup plus difficile de bien retoucher sans en faire trop, que d’apprendre techniquement les outils à disposition.

Il m’a fallu des années avant d’être satisfait de mes retouches alors qu’en quelques jours, je connaissais déjà les tenants et les aboutissants de chaque paramètre.

 

Je crois que tu t’apprêtes à repartir au Népal, dans le même monastère que lors de ton premier voyage. Pourquoi repartir làs bas et avec quel objectif ?

Oui, je compte repartir prochainement au Népal dans le même monastère bouddhiste. Il y a plusieurs raisons à cela.

Tout d’abord, il y a 3 ans, j’y ai passé 2 mois complet et cela a été réellement un point de pivot dans ma vie. C’était à la fin de mes études et c’est là-bas que j’ai enfin pu me comprendre et accepter ce que j’avais profondément envie de faire : voyager et faire de la photographie. J’y ai découvert « ma légende personnelle » comme disait Paulo Coelho dans l’Alchimiste

De plus, j’ai tissé de beaux liens d’amitié avec ces enfants moines et  j’ai hâte de les revoir, de leur donner les photos que j’ai prises d’eux, et de savoir ce qu’ils deviennent.

J’ai également en tête de continuer mon reportage photo que je faisais là-bas afin de l’étoffer davantage. Je réfléchis à l’axer sur un message un peu différent car la technologie fait de plus en plus surface dans ces lieux isolés et il est intéressant de se questionner sur l’impact de la mondialisation dans ce monde si particulier qu’est le bouddhisme.

Enfin, j’ai un profond intérêt pour la méditation, et passer quelques semaines/mois dans un monastère, reculé de tout, est extrêmement apaisant pour moi.

 

Quel conseil donnerais-tu à une personne qui lit cette interview et qui aimerait se lancer en tant que photographe ?

Se lancer en tant que photographe est très difficile. Il ne faut pas se voiler la face. Il faut donc s’armer de patience et de courage. Le courage amènera la persévérance dans les moments de doute.

Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir plusieurs cordes à mon arc me permettant de continuer de gagner correctement ma vie en parallèle de l’exercice de ma passion.

Néanmoins, sur ces dernières années, j’ai compris qu’il est nécessaire de s’investir à 100% dans ce que l’on aime. Si la photographie vous passionne vraiment, elle sera tout le temps dans votre tête. Laissez-vous absorber par elle, et prenez des photos dès que vous le pouvez.

Ce n’est qu’après, presque naturellement, que ce travail artistique prend du sens et que l’on découvre son style et ses envies.

 

Travail, persévérance et une petite confiance parfois aveugle en sa bonne étoile me semble un bon résumé 🙂

 

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Hum… Puisse la vie continuer de m’offrir son lot de bonnes surprises et de nourrir ma curiosité !

 

Liens utiles pour découvrir le travail de Joffrey Persia :

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