Je vous propose aujourd’hui de partir à la rencontre de 2 artistes que nous aimons particulièrement chez Tuto : Düne et Sosoa (Yoann et Solène dans la vie). Vous les avez sans doute croisés lors de l’opération Ten de Fotolia ou plus récemment lors du Creative Meetup de décembre dernier organisé par Adobe…
Bonjour les amis ! Commençons par l’éternelle question du parcours. Qu’est-ce qui vous a amené jusque là, aujourd’hui ?
Yoann : Pour commencer sur le « aujourd’hui », Solène et moi sommes tous les deux designers Graphique.
Basés sur Nantes, cela fait bientôt 10 ans que nous travaillons ensemble. Ok, j’arrondis, mais ça fait 10 ans qu’elle est à son compte, et je l’ai rejoint 2 ans plus tard.
Et donc, pour en revenir à nos parcours, je dirais que le mien est beaucoup plus conventionnel que celui de Solène.
En fait, après l’obtention de son diplôme de designer Produit à l’École Pivaut, elle s’est directement installée à son compte… Mais en tant que designer Graphique.
Ça peut paraître étonnant comme ça, mais à l’époque, elle avait énormément d’opportunités dans ce secteur et plutôt en print. Du coup, elle s’est formée de manière autodidacte sur la trinité classique de softs que tout le monde connait : Photoshop, Illustrator, Indesign…
Par contre, en parallèle, elle a toujours entretenu son penchant pour le design d’Objet, plus ou moins en side-project, comme récemment avec Bootee Check que nous avons développé ensemble.
Solène : De son côté, Yoann a obtenu son diplôme de designer Graphique, également à l’Ecole Pivaut, où il a reçu un enseignement plutôt académique en typographie, graphisme et en illustration. Suite à ça, il est parti travailler quelques années en agence pour faire ses armes. Nous nous sommes rencontrés pendant cette période, et même si je sais qu’il avait déjà la ferme intention d’explorer l’indépendance, je crois que c’est moi qui l’ai poussé dans cette voie. Héhé.
Bon, quand je dis que « nous nous sommes rencontrés », et pour ceux qui se poseraient la question, nous sommes aussi en couple en plus de travailler ensemble.
Alors, évidemment, sur le principe on s’en moque un peu. Par contre, dans notre process de travail, on s’est rendu compte que ça avait son importance, et que ça nous apportait pas mal d’avantages. Ça nous a permis d’être beaucoup plus franc entre nous, plus cash dans la critique constructive.
Yoann : Finalement, je ne sais pas si on peut parler de « séduction par le travail », mais je crois qu’en plus d’être exigeant avec nous même, on essaie de plaire à l’autre avec nos productions.
En quoi le métier de freelance a changé / évolué depuis que vous vous êtes lancés ?
S : Il y a 10 ans, le paysage des freelances dans l’industrie de la création graphique était différent. Il y avait clairement moins de concurrence. Alors, la concurrence a toujours été saine, bien évidemment, mais je pense que les métiers du design n’étaient pas encore aussi en vogue, et que les jeunes qui allaient dans cette voie le faisaient plus par envie et passion que pour l’image ou le « designer way of life ».
Aujourd’hui, nombreux sont les jeunes qui, faute de trouver un emploi salarié (car le secteur est saturé), se mettent à leur compte et scient la branche sur laquelle ils sont assis en sous-estimant leur travail, en cassant les prix, en travaillant gratuitement parce qu’on leur a fait miroiter un gros client, en proposant 10 000 maquettes, ne sachant pas dire « non » à un client, … Et là, la concurrence devient déloyale. Même pour eux-même.
Ça c’était pour la partie du verre à moitié vide. Cela étant dit, de l’autre côté, il y a aussi ceux qui tuent tous les jours. Qui inspirent. Qu’on admire. Et il y en a beaucoup aussi ! Et de plus en plus précoce. Ça nous force a toujours faire de notre mieux.
LE projet graphique dont vous êtes le plus fiers ?
S : Sans langue de bois, c’est très compliqué de répondre à cette question, parce que je ne pense pas qu’il y ait vraiment un projet dont on soit plus fier que les autres.
J’veux dire, il y a bien des projets dont nous sommes peu fiers. Ceux qui peuvent te donner le frisson de la honte. Ou alors, ceux qui t’ont vraiment saoulé. Mais clairement, il y a beaucoup de projets qui sont au même niveau de fierté/plaisir.
Y : Comme je vois que la question suivante porte sur notre travail pour le jeu « Parrain de la Ville », je peux évidemment te dire qu’il fait parti des projets dont nous sommes fiers.
Disons surtout qu’il a été véritablement le premier projet qui en a fait découler d’autres en charadesign par exemple. Mais il y en a beaucoup d’autres que nous apprécions, et pas qu’en illustration.
Le challenge pour nous est d’essayer de se dépasser à chaque fois, de repousser nos limites sur chaque projet qui arrive. Et ce, peu importe le client, le thème, le budg… non, ça c’est pas vrai par contre ! ^^
Pouvez-nous décrire les grandes étapes de la création d’un perso comme le projet Parrain de la ville ? Combien d’heures de travail pour 1 perso ?
Y : Il y avait pas mal de taf sur ce projet. Clairement.
Disons que le jeu se présente comme un MMORPG old school (« Meuporgue à l’ancienne » en français), dans un univers de guerre de gangs et de mafia.
A l’ancienne, parce qu’en dehors des illustrations qui représentent les différents hommes de main et autres que vous pourrez engager, il n’y a aucune animation. Du coup, on savait qu’on allait devoir mettre un peu plus la sauce sur la réalisation des différents portraits.
Par contre, l’avantage indéniable que nous avons pu avoir sur ce projet, c’est que le client nous a donné sa confiance sans jamais la reprendre. Donc, mis à part de grosses sessions de briefing et de veille graphique pour accorder nos violons sur le genre de personnages qu’il souhaitait voir apparaître dans le jeu, notre travail s’est effectué quasiment en one-shot. Ce qui signifie : pratiquement aucune modification. Autant dire que ça n’arrive pas souvent !
De notre côté, et parce que ça n’arrive tellement jamais, nous avons présenté systématiquement une maquette crayonnée de chaque perso avant d’attaquer le clean et la couleur. D’ailleurs, comme il y avait 14 personnages, et pour ne pas avoir d’écart trop grand dans le style, ils ont tous été crayonnés d’affilé.
Une fois validé, nous sommes passés au clean du tracé (sans trop en faire, parce qu’il ne serait pas vraiment gardé), puis à la colorisation sur Painter et Photoshop.
Donc en gros, si je devais évaluer le temps passé sur un personnage, je dirais qu’il fallait à peu près 3 à 4 jours de travail.
L’arrivée d’un enfant a-t-elle changé votre approche de l’illustration? Est-ce que soudainement vous avez eu envie de dessiner des Bisounours et de voir la vie en rose ?
S : Ahah ! Pas du tout. Ça ne nous a pas particulièrement ramolli.
Y : Après j’admets que de mon côté, je ne compte pas illustrer que des putes et des gangsters à vie. Ça ne me dérange pas, mais c’est pas mal aussi les oursons !
D’ailleurs comment est né le projet Booteecheck ?
S : Pour le coup, quasiment en même temps que notre fille.
En fait, on est assez branché cinéma et personne n’était sans savoir que 2015 était l’année d’arrivée de Marty McFly dans le Futur.
Bref, j’avais déjà réalisé des petits chaussons en laine pour notre fille, et même pour des commandes, mais du coup, j’ai eu envie de réaliser une paire de Nike Air Mag au crochet pour elle.
Une fois finie et étant assez contente de la stylisation et du résultat, j’ai partagé ça sur les réseaux. Juste parce que je les trouvais cools. Comme tu pourrais partager une photo d’habitude. En tous cas, vraiment pas dans l’idée d’en faire un business. Le lendemain on se retrouvait avec plus de 1500 mails de demandes ! Les photos avaient été reprises et partagées par plusieurs gros sites US de sneakers qui ont clairement fait la promo du concept.
J’admets que cette situation était complètement dingue, et on s’est vraiment posé la question de ce qu’on allait faire.
Il fallait compter 3 à 4 jours rien que pour la réalisation d’une paire de ces chaussons. Donc impossible de répondre à la demande.
Et puis, sans même rentrer en détail dans les droits d’exploitation de l’image de marque, il était évidemment impossible d’industrialiser ce produit à la chaîne sans avoir de problèmes juridiques.
(Y : Merci Ludo, notre pote avocat)
S : Donc on a décidé d’en réaliser une série limitée. 15 paires. Numérotées. Signées.
Mais par contre, on voulait faire les choses bien. On voulait vraiment que les gens qui les achèteraient, aient vraiment le sentiment d’acheter une pièce de collection avec un packaging soigné.
Et on a vendu les 15 paires en enchères sur eBay, comme Nike l’avait fait pour le vrai modèle. Cela nous permettait aussi de ne pas fixer de prix sur le produit, puisque nous mettions les paires à 1€ symbolique.
Bref, tout ça a été une très bonne expérience, et même si nous n’avons pas envie de rentrer dans une entreprise de confection de chaussons pour bébé, je pense qu’il y aura d’autres paires.
Y : Stay tuned, comme y disent.
Un petit mot sur Gang ?
S + Y : Ici, le client n’est pas Roi.
{Note : le lien pour découvrir le collectif Gang.}
On reste dans le Gang. Vous êtes tous les 2 freelances mais on sent un besoin irrépressible de travailler à plusieurs. Le freelance n’est donc pas forcément un loup solitaire qui a fui le travail collectif en agence ?
Y : Beh, c’est ça ! Je pense que personne n’aime vraiment être seul. Travailler seul.
D’autant que nos métiers sont plutôt visuels, donc tu es instantanément connecté au monde. Exposé à la critique, aux jugements.
C’est pas comme si on était comptable. D’ailleurs, j’en connais peu qui postent des clichés Instagram de l’intérieur de leur livre de compte.
Blague à part, j’pense que c’est aussi au contact des autres que notre œil évolue, et que nos mains progressent en exécution.
Être à son compte n’est pas une victoire. Ce n’est pas une fin en soi et, clairement pour nous, ça n’a jamais signifié travailler seul. C’est très grisant de gérer des projets à plusieurs, de se répartir les tâches, de se coordonner pour arriver à un résultat qui satisfait tout le monde.
Et puis, bien sûr que nous avons plein de projets et des envies, mais au delà de l’indépendance si demain un studio, une agence, devait nous contacter, l’un ou l’autre, pour un poste intéressant, avec un un bon salaire, nous serions idiots de ne pas au moins y réfléchir.
Vous êtes passés au Creative Cloud. Qu’est-ce que cela a changé dans votre workflow et recommanderiez-vous le passage du CS au CC pour un freelance ?
S : Pour rester dans le thème du travail en groupe, l’utilisation des Bibliothèques sont juste parfaites pour des projets collaboratifs.
Ça serait compliqué de rentrer dans le détail juste par écrit, mais par exemple, cela peut permettre de partager à plusieurs des éléments graphiques qui constituent la nouvelle identité d’un client, et qui peuvent être importés sur les différents supports qui seront à décliner.
A savoir qu’ils peuvent être édités à la racine, et donc, se modifier automatiquement à la prochaine ouverture du fichier sur tous les postes, ou alors, de pouvoir les modifier isolément pour des questions d’adaptabilité.
Bref, il y une petite gymnastique à mettre en place, mais en terme de worflow, c’est vraiment pas mal.
Une petite question sur la formation vu que nous sommes sur tuto.com ? Comment vous formez-vous au quotidien ?
Y : Nous avons la chance d’être entouré de très bon amis qui sont formateurs, et j’avoue que quand on rame un peu trop pour trouver une solution à un problème, on n’hésite pas à leur poser la question. ^^
Mais, cette année, on compte bien appliquer le bon conseil d’un de ces potes : se former de manière autodidacte une journée par mois !
Et en dehors de ça, mettre plus les mains dans le motion. Alors, il va y avoir une grosse phase de bricolage, mais j’pense qu’on va se poser une bonne grosse semaine de formation sur After Effects pour défricher les bases, et plus, si affinité.
Logiciel favoris ?
S : Photostrator.
Y : Illustrashop.
Le dernier titre écouté ?
Y : Blockbuster Night Pt.1 de Run the Jewels.
L’album pour travailler ?
S : Wooo… Compliqué. Étant donné le nombre d’heures vissé sur nos chaise de bureau.
Mais si on ne devait en choisir un seul : Mezzanine de Massive Attack.
Y : On écoute aussi pas mal de podcasts.
Dernier jeu vidéo ?
S : On a vraiment adoré faire Until Dawn ensemble !
Un genre de slasher movie avec des ados attardés dans un chalet en montagne.
Y : Et pour le défouloir, je suis en ce moment sur Battlefront quand j’ai du temps.
Un dernier mot pour la fin ?
S : Merci à toi et Tuto.com pour cette interview, et une meilleure année 2016 à tous.
Y : « Vous allez finir par vous aimer les uns les autres, bordel de merde ? » — Didier Bourdon, les Inconnus.
Les liens utiles pour découvrir tout le travail de Yohann et Solène