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Interview de Valentin Tuil

Tu viens de terminer tes études chez Artfx. Celles-ci s’achèvent sur « Atome », clip graphique et expressionniste. Quelles ont été, pour toi et les autres membres de l’équipe (Adrien Cappai, Chloé Mille), vos premières intentions dans ce projet et les grandes étapes de réalisation ? Quelles ont été tes références esthétiques ?

Nous avons, tout de suite, été d’accord sur ce que nous attendions du court métrage. Nous voulions réaliser un clip alliant prise de vue et intégration cg (intégration d’éléments 3D, ou plus généralement tout objet généré par ordinateur) nous permettant d’exploiter nos compétences respectives, à savoir : la prise de vue et le compositing pour moi et les dynamiques et fluides pour Chloé et Adrien.
Nous étions d’accord sur le fait que nous voulions réaliser un court graphique dynamique avec un lien fort entre l’image et le son. Le clip était le format parfait à nos yeux. C’était une prise de risque dans le sens où si esthétiquement ça ne fonctionnait pas, le film ne fonctionnerait pas… Mais c’est vraiment ce qu’on voulait faire ! C’était le premier court du genre à Artfx (beaucoup de simulations de fluides et de dynamiques) ; l’équipe pédagogique nous a vraiment fait confiance et aujourd’hui encore on les remercie !

Nos références étaient très larges, elles allaient du clip plus ou moins récent comme Splitting the atom de massive attack d’Edouard Salier à ceux de Tony Truand Datis , en passant par Fleur et Manu, Yoann Lemoine (Woodkid), etc…… Mais aussi de longs-métrages avec par exemple la scène d’intro de Snow white and the huntsman et tout un tas d’images récupérées au fur et à mesure de la phase de préprod !

Les étapes de réalisation du film se résument globalement à : la préprod, le tournage et la postprod.

La preprod, qui est une phase essentielle à la conception d’un film ; Elle nous a pris un peu moins de 4 mois ; de septembre à mi-decembre très exactement. C’est durant cette période de preprod que nous développons le concept du film, tant sur le fond que sur la forme : scénario, découpage technique, planning, storyboard, moodpanels (références visuelles), animatique, feuilles de tournage… Tout cela pour savoir où l’on va, afin que le tournage et la post prod se déroulent sans problème. C’est une phase assez angoissante car on se pose un millions de questions sur comment faire ceci ou cela pour essayer de prévoir d’éventuels problèmes. En général, sur de “vraie” prod, les différentes étapes sont réparties entre de nombreuses personnes ; chacun ayant sa spécialité. Là nous étions trois pour tout faire ; jusqu’aux courses pour les repas durant le tournages !…

Le tournage, quand a lui, je pense que tout le monde sait à peu prés à quoi ça ressemble. Ce qu’il faut en retenir, toutefois, c’est que nous étions 13 sur le tournage avec pour chacun un rôle bien précis : réalisateur, superviseur FX, régisseur plateau, techniciens, script… C’était la seule façon de boucler tous les plans en si peu de temps ! C’était donc assez rigoureux, même si on s’est quand même bien marré…
Nous avons tourné tous les plans que nous souhaitions (même plus !). Et nous avons été très contents du résultat et avons donc pu attaqué la phase que nous attendions avec impatience : la post-production ! C’était pour nous trois un grand soulagement d’avoir terminé le tournage ; un gros poids en moins. Personnellement, à partir de ce jour là, 80% du stress que j’avais accumulé, ces six derniers mois, s’était envolé !

Nous avions un peu plus de 5 mois pour cette phase de post-production; Voilà comment elle s’est déroulée : Vaimiti Guesdon, une étudiante freelance, a modélisé la quasi totalité des éléments présents dans le film pendant qu’Adrien et Chloé ont commencé à travailler principalement sur les dynamiques (explosion des objets, simulation de fluides). En parallèle, je me suis occupé du dérushage, montage, tracking et layout.
Toutes ces étapes ont été réalisées simultanément afin de gagner un maximum de temps : lorsqu’une simulation de dynamique était terminée, nous l’importions dans la scène Maya que j’avais préparé durant la phase de layout (le layout consiste à recréer une modélisation plus ou moins basique de la scène afin de récupérer les interactions d’ombre sur les murs, par exemple, et de placer la caméra issue du tracking), puis la scène partait entre les mains de Chloé Mesnage, autre étudiante freelance, qui s’est occupée de 90% du rendu du film.
Une fois le plan rendu, je n’avais plus qu’à récupérer les passes sorties de Mental Ray (le moteur de rendu utilisé pour tout le film) et à m’attaquer au compositing et à l’étalonnage.

Voilà de manière très (trés) résumée comment s’est déroulée la post production du film. On peut également ajouter la création des HDRI d’après les photos prisent sur le tournage ou encore l’animation des plans. C’est Adrien et Chloé qui s’en sont occupés en parallèle de leurs simulations.

Je pense qu’on a, tous, appris énormément en 1 ans, et pas seulement techniquement…

Quels logiciels avez-vous utilisés ? Pourquoi ce choix ? A quoi, chacun, ont-ils servi ?

Pas mal de softs ! Mais voici la shopping list :

  • Photoshop, car peu importe la spécialité on doit toujours s’en servir à un moment ou un autre,
  • Premiere Pro, pour tout le montage,
  • Maya, pour tout ce qui était modélisation 3D, le texturing, l’animation et le layout,
  • Mudbox, pour affiner les modés ; c’est un logiciel assez intuitif,
  • DMM, le plugin Maya développé par Pixelux, pour l’explosion des objets,
  • Realflow, pour la simulation des fluides,
  • Nuke 7, pour le compositing et le tracking (grâce à Camera Tracker),
  • SynthEyes, pour le tracking de certains plans
  • After Effects, pour les particules de poussière, l’étalonnage et le finishing.

Le choix de ces logiciels est simple : ce sont majoritairement les logiciels les plus utilisés dans les studios de post production, que ce soit en France ou à l’étranger. L’école a, d’ailleurs, conclu des partenariats très fort avec plusieurs développeurs tels que The Foundry, Solid Angle, Video Copilot ou Pixelux par exemple.

Quelles étapes as-tu pris en charge ? Quels ont été tes principaux défis ?

J’étais responsable du projet, de la direction photo, du montage, du tracking, du layout, du compositing et de l’étalonnage.
Les défis étaient nombreux sur ce film, à commencer par le tournage, dans la mesure où notre film était très axé prise de vu live. Nous avons tourné mi-décembre. Autant dire que les journées étaient très courtes et qu’il faisait très (très !) froid !
Nous nous levions très tôt pour optimiser nos journées car vers 16h30 / 17h, la lumière n’était plus suffisante ! Nous avions une centaine de plans à tourner en 4 jours, ce qui était relativement intense. J’en profite pour remercier tout le “lustucrew” (les treize personnes du tournage : dix élèves de la promo et deux professeurs venus nous aider durant tout le tournage) qui s’est donné durant ces quatre jours. C’était une superbe expérience ! Je réalise beaucoup depuis quelques années mais c’était, pour nous trois, notre premier tournage de cette ampleur !

Les simulations de dynamique et fluide étaient un autre gros challenge à relever, mais Chloé et Adrien s’en sont très bien sortis. A aucun moment, nous n’avons dû revoir nos exigences à la baisse.

Pour ma part, en tant que Digital Compositor, ce projet était très enrichissant car j’ai dû toucher à tout ; des tâches purement techniques comme la rotoscopie ou la projection 3D à des choses qui demandaient un œil un peu plus “créatif” comme le compositing de passes, le relight ou l’étalonnage.

Pour voir le making of, c’est par là !

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Tes tuto montraient déjà ton intérêt pour le compositing. Quels bénéfices ton expérience en tant que contributeur t’a t-elle apportée ? Envisages-tu de la renouveler ?

Le fait de contribuer sur tuto.com apporte un vrai recule sur soi et sur ses compétences. C’est toujours très agréable d’avoir des retours positifs et je suis ravi lorsque je reçois des mails de personnes me posant des questions et voulant approfondir un peu plus les choses. Je pense que c’est ce que j’aime dans ce métier : pouvoir transmettre, partager ses tips, rencontrer de nouvelles personnes aussi passionnées que toi et j’espère qu’un jour, en parallèle de mon travail, j’aurais la chance de pouvoir enseigner face à une classe.

J’ai eu très peu de temps cette année pour contribuer. Mon dernier tuto remonte à l’année dernière, mais je compte sérieusement poster de nouveaux tuto sous peu ! En un an, j’ai pas mal évolué et appris pleins de tips qui pourraient, j’en suis sûr, servir à beaucoup…

Ton dernier tuto, par ailleurs, portait sur Nuke, plutôt qu’After Effects, auquel tu avais consacré les précédents. Cela s’inscrit-il dans un choix de carrière ? Ou simplement l’envie de partager de nouvelles connaissances ?

Nuke est un logiciel que j’utilise quotidiennement et qui s’est imposé ces dernières années comme la référence du compositing dans les studios. Cependant c’est un logiciel un peu déroutant au premier abord et il existe très peu de tuto sur le net ; encore moins en français.
Je me suis dis qu’il y avait peut être un public demandeur de tuto Nuke en français et un peu plus “artistiques” que la théorie des espaces colorimétriques ou les modes de fusion… Les tuto Nuke restent relativement fermés au grand public. Et je ne me suis pas trompé. Même si, proportionnellement, j’ai vendu plus de tuto sous After Effects, j’ai reçus beaucoup de mails de personnes souhaitant en apprendre plus. C’est très encourageant !
Je vais donc continuer à proposer des tutos sous Nuke, et bien évidemment After Effects !

Pour voir les tuto de Valentin Tuil, c’est par ici.

Les Oscars 2013 (Bill Westenhofer, le directeur des effets spéciaux chez Rythm & Hues, interrompu au moment d’évoquer les difficultés du milieu, Ang Lee qui manque de remercier le travail exemplaire réalisé en VFX alors que son Odyssée de Pi en est essentiellement constitué) ont fait apparaître un secteur en crise voire un certain mépris pour les artistes VFX. Aussi, comment entrevois-tu ton arrivée dans le métier ?

Je pense que notre milieu souffre d’un problème majeur : le manque de reconnaissance du grand public. Clairement, les gens n’ont pas la moindre idée de la manière dont on réalise une image et je pense que la grande majorité d’entre eux s’en contrefichent. Nous sommes, de toute façon, arrivés à un tel stade de photoréalisme que plus personne, aujourd’hui, ne se doute que des centaines de gens ont passé des nuits blanches pour créer entièrement le tigre de l’Odyssée de Pi ou même, sans aller dans le fantastique, effacer les jambes de Marion Cotillar dans De rouille et d’os.
C’est un peu le paradoxe de ce métier ; plus réaliste est ton travail, moins les gens se doute que tu as travaillé.

Après (et ce n’est que mon avis de jeune qui démarre), même si tout n’est pas parfait, nous ne sommes pas à plaindre non plus. Passer ses journées avec des collègues passionnés, amis pour la plupart, à travailler sur des plans qui seront probablement vus par des milliers de personnes, ça reste quelque chose d’exceptionnel ! Maintenant, une chose est sûr, c’est qu’il faut être passionné et ne pas avoir peur de finir tard…

As-tu, par ailleurs, constaté une évolution du métier SFX depuis tes débuts chez Artfx ? Ta vision et ton approche ont-elles été modifiées ?

Bien qu’au cours de nos études chez Artfx nous étions tous à l’affût des moindres infos, difficile de parler de l’évolution de notre milieu ces dernières années ; j’arrive à peine sur le marché du travail. Je ne sais pas vraiment quelles étaient les conditions avant. Mais mon entourage professionnel m’a confirmé, de nombreuses fois, que c’est de plus en plus compliqué ; il faut toujours faire mieux, plus vite et pour moins cher.
J’ai toujours été passionné par ce milieu. Bien que j’ai conscience des mauvais cotés, je ne compte pas changer pour autant…

Quelle est la suite : orientation de carrière, spécialisation, quelques projets ?

J’ai eu l’opportunité d’intégrer le studio Nightshift un peu plus d’une semaine après notre jury de fin d’année. C’est assez fou, la vitesse avec laquelle les choses se sont déroulées. Aujourd’hui encore je n’en reviens pas, d’autant plus que je ne suis pas un cas à part, loin de là. La quasi totalité des étudiants de ma promo a trouvé du travail en France ou à l’étranger. Je pense que c’est réellement la force d’Artfx, une école très pro, qui se remet tout le temps en question afin d’améliorer son enseignement face aux évolutions du métier. De plus, la relation studio / école est très forte. Artfx a réussi, en très peu de temps, à se forger un nom et à devenir une référence dans le milieu.

En ce qui concerne mes projets, rien de très significatifs ; quelques projets professionnels en cours, dans le sport et la musique principalement. En revanche, j’ai terminé, il y a quelque mois, un projet personnel/pro qui me tient particulièrement à cœur : le DVD « WOLFPACK » dédié au roller agressif. J’ai pris en charge l’ensemble du projet, de la prise de vue et montage, en passant par le compositing et le color grading, jusqu’à l’authoring du DVD. On y voit notamment la deuxième team de la marque française ARCENA créée par Mourad Leuchi.

Pour l’anecdote, c’est grâce au roller que j’en suis là actuellement. J’ai commencé à filmer nos « figures » avec la caméra de papa, il y a dix ans, et je ne me suis jamais arrêté. Comme quoi, ça ne tient à pas grand chose de trouver sa voie !…

J’aimerais, d’ailleurs, pouvoir continuer à réaliser en parallèle de mon travail de Digital Compositor. Après, même si j’adore ce milieu, il faut aussi savoir relâcher de temps en temps. Et j’espère bien pouvoir consacrer à ma copine, ma famille et mes amis tout le temps que je n’ai pas pu leur accorder durant ces 3 années d’études !

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Jean-Charles: Jean-Charles est le responsable éditorial de Tuto.com.