Après une carrière dans le bâtiment, Cédric a décidé de renouer avec son rêve d’adolescent : vivre de ses dessins. À 47 ans, il se forme intensivement au digital painting, avec l’envie de transformer une passion de toujours en projet professionnel. Dans cet entretien, il raconte ce virage décisif, sa discipline quotidienne et ce que la formation lui a réellement apporté — techniquement comme personnellement.
Salut Cédric ! Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Ton parcours pro jusqu’ici et ce qui t’as donné envie de revenir vers une voie plus artistique.
Bonjour Sophie, je m’appelle donc Cédric. J’ai 47 ans. Je le précise pour prouver que l’âge n’a pas réellement d’importance dans une reconversion professionnelle. Peut-être même que cela est un avantage. Plus mature et plus déterminé. 😉
J’ai suivi un cursus scolaire dans le domaine des arts appliqués. Une fois mon BAC en poche, je me dirige vers un BTS ACI. Autrement dit dans le design d’objet. Tout ceci dans le but de devenir designer automobile. Mon rêve depuis très longtemps.
Mais comme souvent, à cette époque, les informations sont délivrées bien trop tard. Je veux dire par là que le fait que les constructeurs automobiles recrutaient dans les écoles privées à 30 000 euros l’année, sur un cursus de 3 ans. Et cette info m’était inconnue jusqu’au moment des candidatures. 😞
Un peu dépité, je me tourne sans conviction vers des ramifications du monde automobile comme le tuning… et même la carrosserie pour, pourquoi pas, créer mon propre modèle de voiture.
Mais rien ne fonctionne, et pourtant il faut commencer à travailler. Et me voilà embauché dans une société dans le secteur du bâtiment, un des seuls en demande de main d’oeuvre dans ma région.
Pour autant, le dessin ne m’a jamais quitté.
En mars 2024, cette même société fait faillite et c’est à ce moment là que je décide de sauter le pas dans ce projet de reconversion que je mûrissais depuis quelques mois. 💜
Et cela me permettrait de rendre hommage aux sacrifices que mes parents ont fait pour l’obtention de mes diplômes. Réussir dans le domaine artistique me rendrait la sérénité de ma jeunesse.
Tu dis que tu as toujours dessiné, même en travaillant dans le BTP. Qu’est-ce que représentait le dessin pour toi à ce moment là ?
Le dessin a toujours été un soupape pour moi. Le fait de pouvoir créer des mondes, des personnages, des histoires , des rêves m’a permis de tenir toutes ces années.
Même si j’étais conscient de certaines lacunes, je dessinais avec mes tripes pour évacuer toute la frustration que je subissais.
Il a toujours fait partie de moi, au même titre qu’un organe vital.
A quel moment tu t’es dit : « je me lance dans une formation en digital painting » ? Et pourquoi avoir choisi celle de Tuto.com ?
Quelque mois avant de franchir le pas, j’ai eu l’occasion d’acheter le matériel requis pour faire du digital painting. J’ai effectué quelques essais avec un logiciel proche de Photoshop, mais gratuit. Tout cela n’a pas été très concluant. Je ne comprenais rien au logiciel et les rares tutos glanés sur le web n’ont pas suffis à me convaincre. De plus, issue d’une formation de dessin traditionnel, j’avais une certaine réticence envers la technologie pour dessiner.
A ce moment là, j’ai compris qu’il fallait que je me forme à ce qui était pour moi une nouvelle technologie.
Il m’a suffit d’attendre le bon moment… mon licenciement économique !
Le moment venu, j’ai scrollé et la première formation qui me semblait tenir la route, si je peux dire et surtout qui était prise en charge par France Travail a été celle de Tuto.com.
Tu as suivi ta formation en ligne sur 6 mois. Comment t’es-tu organisé au quotidien ? Tu avais un rythme régulier ou tu adaptais selon ton emploi du temps ?
France Travail m’a imposé de suivre la formation en 6 mois alors qu’elle est dense. Premier coup de pression ! Et le fait de n’avoir que 18 mois pour devenir professionnel dans le milieu de l’illustration est le second coup de pression. 😅
J’ai 3 enfants et je ne pouvais pas me permettre de bâiller aux corneilles. Du coup, mon quotidien était rythmé par la formation. Je « travaillais » entre 9 à 12 heures par jour pour arriver à progresser.
A chaque passage de module, je sentais la pression et la nervosité m’envahir comme le passage d’un oral du BAC.
Et je remercie tout mon entourage de m’avoir supporté durant ces 6 mois. 🙈
Qu’est-ce qui t’as le plus challenger au début ? Et à l’inverse, tu te souviens d’un moment où tu t’es vraiment senti progresser ?
Ce qui m’a le plus donné de fil à retordre au début est l’apprentissage du logiciel Photoshop. Toutes ses fonctions et ses possibilités me semblaient impossible à apprendre. D’autant que je m’étais fixé un mois pour venir à bout de ce module. Mais j’y suis arrivé. 🙌
Après ce module, on rentre dans le dur de la formation. Et tout au long de cette dernière, je n’ai pas réellement senti de pallier de progression. Elle a été exponentielle. Plus j’apprenais, plus je voulais apprendre et aller plus loin dans mes rendus.
Tu étais accompagné par Raynald, ton mentor. Qu’est-ce que cet accompagnement t’a apporté concrètement dans ta progression ?
Heureusement que Raynald était là. Il m’a appris à construire une image qui fonctionne visuellement. 🙏
Il a pointé du doigt mes lacunes et m’a mis sur la piste pour les dépasser.
Et surtout, il m’a donné confiance en moi en me faisant prendre conscience que je devais assumer mes choix. Que je ne devais pas faire une image qui lui plaise à lui, mais que je prenne du plaisir à faire une illustration qui me parle à moi avant tout.
Tu as partagé énormément de projets pendant la formation. Est-ce qu’il y en a un dont tu es particulièrement fier ? Tu peux nous expliquer pourquoi tu le choisis et comment tu l’as réalisé ?
Ce projet me touche particulièrement car j’ai utilisé tout ce que j’ai appris durant la formation.
Le photobashing, les différents outils du logiciel comme les masques de fusion… Mettre en avant le ou les éléments que je voulais. Mais aussi créer une atmosphère bien précise.
J’ai tout d’abord réalisé un croquis puis j’ai rapidement intégré des éléments par le biais du photobashing sur lesquels j’ai peint pour les modifier et atteindre les formes et les couleurs que je souhaitais.
J’ai par la suite défini l’élément principal en le rendant plus contrasté et j’ai assombri tous les autres plans.
J’ai dessiné le premier plan qui n’était pour moi que le moyen de définir l’échelle de ces grosses grappes qui se trouvent être des prisons au sein de l’enfer.
Et pour finir, j’ai ajouté les éclairs pour donner une certaine dynamique à l’image et renforcer le sentiment d’insécurité.
Avec le recul, qu’est-ce que cette formation t’a apporté ? Que ce soit sur le plan technique, artistique ou personnel.
Sur le plan technique, cette formation m’a tout appris. Le fonctionnement du logiciel, ses secrets, ses petites astuces qui permettent de gagner beaucoup de temps.
Sur le plan artistique, elle m’a appris à créer une image qui fonctionne tant sur le plan de la composition, que celui de la compréhension des couleurs. Même si j’avais quelques bases de par ma formation scolaire.
Et sur le plan personnel, elle m’a appris le dépassement de soi. Je n’ai jamais autant travaillé que depuis que j’ai suivi la formation. Je passe toutes mes journées devant ma tablette graphique pour corriger tous mes défauts de construction par exemple.
Mais faire un travail que tu aimes, est-ce vraiment du travail ? 🥰
Tu disais vouloir te lancer en tant qu’illustrateur freelance. Où en es-tu aujourd’hui dans ce projet ?
J’ai créer mon entreprise en auto-entrepreneur depuis le mois de mai, il y a donc moins de 2 mois.
Et depuis ce jour, je démarche dans tous les secteurs susceptibles d’avoir besoin de mes services. Cela va de l’édition littéraire et disquaire, jusqu’à la personnalisation de planche de surf, en passant par des appels d’offre d’illustration, bien trop rares.
Je participe aussi à beaucoup de concours pour montrer mon travail. En parlant de ça, j’ai eu l’agréable surprise de finir second dans un concours national organisé par les éditions Glénat et XPPen.
Mais malheureusement, je n’ai toujours pas réussi à décrocher un contrat et les 18 mois de chômage touchent à leur fin. Et il va falloir que je trouve un travail alimentaire. Mais cela ne m’empêchera pas de continuer à créer des images dans le seul but de pouvoir, un jour, vivre de mes dessins. 💪
Et pour finir : tu te vois où dans un an ? Si tout se passe bien, à quoi ressemblerai ta vie pro idéale ?
Je pense que dans un an j’en serai au même point. Mais plus au chômage. Il semble difficile de creuser son trou dans ce milieu. Tellement de concurrence…et l’ IA !
Mais je reste convaincu que la chance a sa part de responsabilité. Il suffit de croiser la bonne personne au bon moment. D’envoyer son portfolio et que le DA accroche à votre style…tout un tas de facteurs sur lesquels nous n’avons pas la main.
Mais le plus important est de continuer à y croire et de performer. De ne jamais lâcher. De toujours s’acharner pour s’améliorer. C’est à mon sens le propre de LA PASSION.
Personnellement, ma vie pro idéale serait de vivre de mes illustrations. Ce serait pour moi énorme déjà. Mais dans mon monde quelque peu utopique, je serai illustrateur pour Magic et Warhammer. Je ferai de temps en temps des couvertures de roman fantasy. Je créerai une association pour promouvoir des artistes aux faibles revenus (comme moi 😊).
Et pourquoi pas transmettre mon savoir dans une école.
Merci Cédric pour ton retour d'expérience sincère et précieux. Si vous avez un projet, n'hésitez pas à prendre contact directement avec lui sur sa page instagram @cedricspennato
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